Servicios Personalizados
Revista
Articulo
Indicadores
-
Citado por SciELO
-
Accesos
Links relacionados
-
Similares en SciELO
Compartir
Utopìa y Praxis Latinoamericana
versión impresa ISSN 1315-5216
Utopìa y Praxis Latinoamericana v.11 n.32 Maracaibo ene. 2006
La société de consumation
Michel Maffesoli
Centre d´Éudes sur l´Actuel et le Quotidien. Université de la Sorbonne, Paris, Francia.
RESUMEN
A la mirada sociológica del pensador francés, Maffesoli, la quema de Paris, referida a los disturbios callejeros y la violencia pública que vivió la capital francesa, a fines del año pasado (2005), se presenta un escenario que demuestra los cambios sociales del fin de la modernidad. Es inminente la desaparición de las estructuras políticas y económicas por insurgencias societales disidentes. Las tribus, término de fuerte raigambre antropológica, le sirve de categoría para interpretar estos cambios: violencia, desobediencia civil, patriarcado, desagregación institucional, roles fragmentarios, estética de la sublimacion, poder y resistencia. Todo un catálogo para comprender la realidad en el momento de sus propios cambios, por la ienvitable coacción y revolución del poder.
Palabras clave: Sociedad, Estado, violencia, individualismo.
The Consummation Society
ABSTRACT
Under the sociological vision of the French philosopherMaffesoli, the burning of Paris refers to the street disturbances and public violence undergone in the French capital towards the end of 2005, when a situation occurred that demonstrated social changes resulting in the end of modernism. The disappearance of political and economic structures due to social dissident insurgence is imminent. Tribes, a strongly based anthropological term, serve as a category to interpret these violent changes, civil disobedience, patriarchy, institutional des-aggregation, fragmentary roles, sublimation aesthetics, power and resistance. A complete catalogue is offered for understanding the reality of the moment of change, towards an inevitable power co-action and revolution.
Key words: Society, state, violence, individualism.
Recibido: 10-12-2005
Aceptado: 12-02-2006
La chose était prévisible, elle se reproduira et elle laissera, à nouveau, pantois les divers observateurs sociaux, qui forts de leurs certitudes en tous genres, ont du mal à faire rentrer dans le «lit de Procuste» de la théorie un phénomène qui lexcède de toutes parts.Voilà bien le paradoxe. La pensée savante sest constituée contre la doxa, cette opinion commune dont il fallait se distancier. Et elle est devenu elle-même, une doxa faite de conformisme intellectuel, de politiquement correct, de moralisme rigide. Car ce qui prévaut est bien ce que Max Weber appelait une «logique du devoir être», incapable de voir ce qui est vraiment là. Décalage dangereux. Déphasage inquiétant qui conforte lintelligentsia dans une paresse que lon risque de payer fort cher: celle des évidences ne permettant pas de voir ce qui est évident. Intellectuels, hommes politiques, journalistes et décideurs de tout poil, tout à leur diverses écrivailleries ou bavardages académiques ont bien du mal à revenir à ces «choses elles-mêmes» dont Husserl nous rappelait la salutaire urgence.Mais pour ce faire peut-être faut-il savoir se purger de lhabituelle et bien tranquillisante, attitude critique. Celle qui, à partir dune assurance théorique, juge péremptoirement. Or, lactualité nest pas avare des dérives judicatives. Dire le droit, dire le vrai, recèle, très souvent, une dose, variable, de paranoïa.Ainsi les observateurs sociaux, tout comme les politiques dailleurs, convaincus davoir raison, tendent à considérer la vérité comme leur butin. Ils sont prisonniers des fixations dogmatiques préconçues. Il existe un fossé, sélargissant de plus en plus, entre dune part ceux qui «disent» et font la société, et dautre part ceux qui la vivent. Doù la nécessité de prendre du recul. De revenir au vieil idéal des humanistes de la Renaissance: aborder «sine ira et odio», sans colère ni haine, les choses de la vie. Mettre en pratique cette neutralité axiologique qui, seule, va permettre de trouver les mots, les moins faux possibles, disant ce qui est. Mots pour comprendre sans pour autant justifier.
MOTS FÉCONDANTS DU PENSEUR QUI IRRIGUE L´ACTION DU POLITIQUE
Jacob Taubes remarque que sil ne convient pas de jouer du violon pendant que Rome brûle, il nest pas inutile détudier la théorie de lhydraulique.1 Judicieuse observation, en appelant à la nécessité de lécart, fondement même de la prudence intellectuelle. Base de lintelligence des faits sociaux qui, au plus près de son étymologie, sait trouver les liens secrets, profonds, mais non moins solides, unissant des phénomènes apparemment disparates, ou dallure éclatée. A certains moments il faut savoir neutraliser lurgence des évènements pour en dégager la forme essentielle. Pour en repérer, au-delà des interprétations hâtives et forcément passionnelles, la signification cachée. Saisir en quoi ceux-ci sont des indices, des index, pointant quune manière dêtre-ensemble cesse, ou à tout le moins est bien fatiguée mais, dans le même temps, quune autre est en gestation.
Cest cela même qui, au-delà de la critique, en appelle à une pensée radicale. En un moment qui nest pas sans ressemblance avec le nôtre, justement par la profonde mutation sociétale en gestation, à la fin de la Renaissance donc, on put observer leffroi du savoir établi devant la démarche «radicale» sexprimant, en particulier, dans la philosophie de lathéisme. Une telle radicalité ne sintéressait plus vraiment aux querelles confessionnelles opposant les diverses obédiences chrétiennes (luthériens, catholiques, réformés ). Elle semployait, au contraire, avec plus de désinvolture et de profondeur, à comprendre ce qui était émergent: le naturalisme, le néo-épicurisme, la rationalisation et autres phénomènes de sécularisation.
Nest-ce pas ce qui est, de nos jours, en jeu? Au-delà des querelles «confessionnelles»: le contrat social, la citoyenneté, la démocratie, les querelles politiques, la radicalité va consister à penser un idéal communautaire en gestation, dont les contours sont, certes, encore nébuleux, parfois même irruptifs, mais quil ne sert à rien de dénier ou de stigmatiser.
Sans vouloir être apocalyptique cest, en effet, un certains «nomos de la terre»,2 cest-à-dire un certain ordre social moderne qui coule par le fond. Mais comme ce fut déjà le cas dans dautres moments des histoires humaines, il sagit, surtout, dune crise des élites. Celles-ci, en effet, ne savent plus dire, façonner, fixer les contours que prend lêtre-ensemble.Voilà bien les leçons quil faut retenir, lémergence dun Nouveau Monde. Ou plutôt la prise de conscience dune telle naissance. Et comme toujours lorsque cela arrive, étonné que lon est, en son sens étymologique, du coup de tonnerre suscité par la découverte dun corps céleste nouveau, on a du mal à trouver des mots qui soient en congruence avec la vie réelle. Pour cela, peut-être suffit-il de se tourner vers ces « ordres élémentaires », ces éléments ou formes de base constitutifs de toute existence mondaine. Mais pour dire, il faut savoir médire. Il ny a de « pars construens » que si existe une pars destruens. En la matière, détruire les idées convenues et autres conformismes de pensées qui sont, justement, le fondement des multiples crispations dogmatiques. Ou qui, tout simplement, confortent les diverses paresses intellectuelles, les lieux communs, et autres expressions des bons sentiments. En bref, tous ces « niagaras » deau tiède tenant, généralement, lieu danalyse. Peut-être sous forme de « thèses » faut-il rappeler quelques unes de ces banalités de bases dont on ne pourra plus longtemps faire léconomie. Il est peu intéressant de décrire les faits, au sens habituel de la sociologie quantitative: caractéristiques socioprofessionnelles ou statut demploi ou niveau de diplômes des sauvageons. Pas plus que la marque des voitures brûlées, ce qui nest pas déterminant pour comprendre les événements. Par contre, ce quont révélé ceux-ci, comme dautres formes deffervescence, parfois moins violentes, celles des raves parties comme celles des JMJ, celles des stades comme celles des temples de la consommation au moment des fêtes de Noël, cest une profonde évolution des modes de lêtre ensemble dans notre société. Il y a longtemps que jai rendu attentif aux figures dessinées par les tribus postmodernes, et ceci pour le meilleur et pour le pire. Ces rassemblements communautaires, ces agrégations éphémères et successives, ces groupes dappartenance fondés sur lémotion partagée oscillent entre fêtes culturelles et orgies barbares, entre générosités et entraide ou violences et castagne. Lon aurait tort de ny voir que lexpression de lexclusion, de la relégation, de loppression des jeunes des banlieues. sans être attentif au message prospectif quils délivrent. De la même façon quils participent, au contraire de ce quaffirment certains esprits aigris, à lévolution de la langue commune, ils manifestent, parfois avec cruauté, les profondes mutations de valeurs, touchant, transversalement, lensemble de nos sociétés. Certes, il serait idiot de nier la pauvreté et les difficultés que vivent nombre dhabitants, particulièrement les jeunes générations, de ces banlieues. Il serait plus irresponsable encore de ne voir que leur misère et de ne pas prendre en considération les formes culturelles quils nous proposent, quils mettent en exergue. Ce sont en quelque sorte les messagers de la postmodernité naissante, qui annoncent, souvent bien avant dautres, les changements de valeurs à loeuvre.
I. DE USU: DU BON USAGE DE LA VIOLENCE
À trop vouloir aseptiser lexistence sociale on aboutit à son exact contraire. Le bon sens le « sait » qui considère que «lenfer est pavé de bonnes intentions». En langage plus académique, cest «lhétérotélie»: le résultat inverse de celui que lon attendait. Certes, il y a bien lieu de sétonner du retour en force des bouffées délirantes des divers fanatismes, des formes explosives du terrorisme et, bien sûr, des incendies de voitures dans nos banlieues. La liste pourrait sallonger de tous les «rodéos» de voitures en fin de semaine, ou des divers «jeux» de strangulation dans les cours des écoles. Etonnement? Mais nétais-ce pas prévisible? A coup sûr logique dès lors que lon sait ce que lon peut attendre de laccentuation unilatérale dune valeur humaine.Disons le fort simplement. Pour bien comprendre ce qui nous arrive, il faut savoir explorer les cryptes de notre culture. Mettre à jour cela même que, sur la longue durée, lon sest employé à repousser, à refuser, à dénier. Cest tout cela qui, tel le retour du refoulé, refait surface au grand dam, bien sûr, des belles âmes «vertuistes» pendant que seul le Bien (avec une majuscule) a droit de cité.Voilà bien le fondement de lidéal dasepsie de la vie sociale. «LHygiénisme» du XIX° siècle, lidéologie du risque zéro de nos jours, la sécurisation à outrance de lexistence sociale sont les moments essentiels dun tel idéal.On peut, à cet égard, se souvenir, du mythe de Dionysos. La ville de Thèbes est bien gérée par le sage technocrate Penthée. Tout est sous contrôle. Lordre règne. Mais la vie sen est allée. Ce sont les bacchantes qui en introduisant le bruyant, redonnent vie à la cité. La réaniment en quelque sorte. Lui redonnent son âme.Nombreux sont les exemples mythologiques et historiques qui, en ce sens, disent et redisent la nécessité du «bon usage» de la violence. Sa fonction fondatrice. Son aspect fécondant. Rappelant que lanimal humain est, aussi, un être dinstinct ayant besoin dexcès et deffervescences.Et cest dans lusage ritualisé de ceux-ci quune communauté se constitue en tant que telle. En bref, lexistence individuelle et sociale ne sélabore pas en «dépassant» cette constante anthropologique quest la part dombre de lhumain, mais en lintégrant. Ou, si lon veut faire image, en lhoméopathisant. Et, par là, en évitant ses aspects les plus nocifs.Il sagit là dune sagesse quon pourrait dire «démoniaque», celle du «daimon» socratique, celle du double que tout un chacun éprouve en lui-même, celle dune société ne se réduisant pas à ce qui serait le «positif» dune réalité simplement rationnelle. Sagesse populaire, sachant bien que la vie est tragique, quelle est conflit. Et quil faut savoir saccommoder de ces caractéristiques là. Bon sens que lon retrouve dans les contes et légendes, qui resurgit dans la production cinématographique, dans les musiques techno ou «gothiques», et même, tout simplement, dans la fascination pour le fait divers. Sagesse sachant intégrer logre, le méchant, le bandit, le non-conforme comme éléments de la complexité humaine.«Fleur du mal» de la banalité que lon a trop tendance à négliger. Ainsi que nous le rappelle Max Weber: «La sagesse populaire nous enseigne quune chose peut être vraie bien quelle ne soit et alors quelle nest ni belle, ni sainte, ni bonne. Expression la plus élémentaire de la lutte qui oppose les dieux des différents ordres et des différentes valeurs».3Cest cela qui est dénié par lidéal du Bien dont jai parlé. Dangereusement, car ce que lon ne ritualise pas, devient sanguinaire et pervers. Et ce en son sens strict: per via, cela prend des voies détournées, et, dès lors, devient immaîtrisable.La rébellion latente ou explosive, les pratiques à risques, les dégradations et incendies, ne sont pas, comme on le dit pour se sécuriser, les manifestations dune simple misère économico-sociale. Pas, non plus, la forme que prendrait une nouvelle guerre de religion. Cest plutôt, la réaction contre un ordre rigide et mortifère. Rappel de la perdurance du monde des instincts. Retour de la figure archétypale de ce que les ethnologues ont appelé le «trickster».4 Ce «fripon divin» dont la fonction est de rappeler le besoin deffervescence et dexcès. Soif de linfini, qui, toujours et à nouveau, taraude le corps individuel et collectif.Lorsque une telle figure reprend force et vigueur, il est vain de vouloir la brider. Il vaut mieux lui trouver des formes «passables» dexpression. Il ne sert à rien de condamner. Condamner ce qui est là nest pas labolir. Cest le criminaliser. Or criminaliser quelque chose qui est de notre nature, ou de notre manière dêtre: violence, force, agressivité, ne peut conduire quaux pires formes de tout cela. A ces formes «perverses» dont lactualité vient de nous donner des exemples dont on peut dire quils sont brûlants.En fin de son analyse de «linquiétante étrangeté» (unheimliche), S. Freud rappelait que cette chose là renvoie au «chez soi» (das Heimisch); quil sagit de «lantiquement familier dautrefois». Mais que, en allemand, le préfixe «un» par lequel commence le mot est «la marque du refoulement».5 Amère sagesse dont il faut se souvenir. Et le travail du penseur, nest pas de conforter un moralisme toujours (re)naissant. Daller dans le sens du poil. Mais bien de rappeler quil faut savoir ritualiser et, donc, canaliser la violence.A défaut de cela nos sociétés risquent dêtre comme ces hôpitaux parfaitement aseptisés. Lon y rentre pour se faire soigner un petit «bobo», et lon en sort (ou pas) avec une maladie nosocomiale! A trop vouloir soigner le mal qui nous habite, curer les turpitudes, désordres et autres dysfonctionnements, on se fait les fourriers dun danger bien plus grand. Le mieux, on le sait, est lennemi du bien.Au-delà dun républicanisme homogénéisateur, il convient dêtre capable dintégrer les différences.
II. COMMUNAUTARISME?
Voilà bien, en effet, la seconde leçon des effervescences juvéniles de ces dernières semaines. La pluralité des manières dêtre tend à sexprimer de plus en plus. Et de cela, également, lintelligentsia a peur. Mais, on le sait, la peur est mauvaise conseillère. Très précisément en ce quelle conforte le déphasage. Pire des choses sil en est!Cest, en effet, une forme de paresse que lon risque de payer fort cher. Cest un tic de langage, largement répandu, gauche et droite confondues, et qui voit du «communautarisme» partout. Sottise qui consiste également à considérer quune question est résolue lorsquon la supprime, artificiellement, en la déniant. Attitude infantile enfin, celle de lincantation, qui, dune manière magique, répète des mots, et pense ainsi, régler un problème.Quen est-il du fait? Ce fut la grandeur de lorganisation sociale dans les sociétés modernes que de réduire toute chose à lUnité. Evacuer disparités, différences. Homogénéiser les manières dêtre, de parler, de vivre, de produire, daimer. La définition-programme dAuguste Comte est, de ce point de vue, paradigmatique: reductio ad unum.
DOÙ LE BEL IDÉAL DE LA RÉPUBLIQUE UNE ET INDIVISIBLE
Ayons la lucidité et lhumilité, de reconnaître que, ainsi que cela sest vu à dautres reprises dans le cours des histoires humaines, lon peut observer une saturation de cet idéal unitaire. Pour ceux qui savent voir, réellement, ce qui est, la théâtralité de nos rues est à la diversité: casquettes, kipa, boubou, djellaba et autres perruques rasta sont les touches colorées de la vie urbaine. Empiriquement lhétérogénéité saffirme avec force. Réaffirmation de la différence, localismes divers, spécificités langagières et idéologiques, rassemblement autour dune commune origine, réelle ou mythifiée. Tout est bon pour accentuer des formes de vie dont le fondement est moins la raison universelle que laffect partagé, que le sentiment dappartenance.Les corps sexacerbent, se tatouent, se percent. Les chevelures se hérissent en crinières animales ou se couvrent de foulards et autres accessoires, ethniques ou rituels. La peau, le poil, les humeurs réaffirment leur vitalité, les odeurs multiples reprennent droit de cité.En bref, dans la grisaille quotidienne, lexistence sempourpre de couleurs nouvelles, traduisant ainsi la féconde multiplicité des enfants des dieux. Il y a de nombreuses maisons dans la demeure du père!Cest cela même quil y a quelques années jai appelé le retour des tribus.6 Que celles-ci soient sexuelles, musicales, religieuses, sportives, culturelles, elles occupent lespace public. Voilà le constat. Il est vain de le nier. Il est puéril de le dénier. Il est malsain de le stigmatiser. Lon serait mieux inspiré, fidèle en cela à une immémoriale sagesse populaire, daccompagner une telle mutation. Et ce pour éviter, là encore, quelle saigrisse, devienne perverse et, dès lors, tout à fait désordonnée.
On peut, cet égard, donner en entier la citation de Max Weber relevant que lorsquon part de lexpérience pure on aboutit au polythéisme. La formule a un aspect superficiel et même paradoxal, et pourtant elle contient une part de vérité. Sil est une chose que de nos jours nous ignorons donc, cest bien quune chose peut être sainte non seulement bien quelle ne soit pas belle mais encore parce que et dans la mesure où elle nest pas belle vous en trouverez les références au chapitre LIII du livre dIsaïe et dans le psaume 21. De même une chose peut être belle non seulement bien quelle ne soit pas bonne, mais précisément par ce en quoi elle nest pas bonne. Nietzsche nous la appris ».7
Se montrer à la hauteur du quotidien nous force à partir dune telle constatation. Mais après tout pourquoi ne pas envisager que la «res publica», la chose publique, sorganise à partir de lajustement, a posteriori, de ces tribus électives? Pourquoi ne pas admettre que le consensus social, au plus près de son étymologie: cum sensualis, puisse reposer sur le partage des sentiments divers?Puisquelles sont là, pourquoi ne pas accepter les différences communautaires, aider à leur ajustement et apprendre à composer avec elles?Après tout une telle composition peut participer dune mélodie sociale au rythme peut-être un plus heurté, mais non moins dynamique. En bref, il est dangereux, au nom dune conception quelque peu vieillissante de lunité nationale, de ne pas reconnaître la force du pluralisme. Le centre de lunion peut se vivre dans la conjonction, a posteriori, de valeurs opposées.Notons bien, dailleurs, que si lon parle de conjonction des différences, lon est loin dun système politique organisé en fonction du partage du pouvoir par les différentes communities répertoriées: noirs, musulmans, femmes, gays etc... Ce qui est en jeu, en effet, dans ce partage des sentiments, dans cette conjonction des différences, cest la puissance sociètale. A savoir, pour reprendre la formule de Nietzsche à propos de telle ville ou de tel quartier: ici on peut y vivre puisque lon y vit . Ce qui fait quun lieu est un vrai territoire, un terroir, parce quil fait lien. Le lieu fait lien!A lharmonie abstraite et languissante dun unanimisme de façade est en train de succéder, au travers de multiples essais et erreurs, un équilibre conflictuel, cause et effet de la vitalité des tribus postmodernes. Peut-être faut-il cesser dêtre obnubilé par le «bon vieux temps» de lunité, et avoir laudace intellectuelle de penser la viridité dun idéal communautaire en gestation. Cest en ce sens quun cycle civilisationnel est bien en train de sachever. Nombreux, en effet, sont les petits «dieux» musicaux, sportifs, spirituels, occupant le devant de la scène sociale. Chacun, pour le meilleur et pour le pire, est signe deffervescence, mais aussi de vitalité. Le polythéisme des valeurs est à lordre du jour. Il est urgent de le prendre, intellectuellement et pratiquement, en charge. La mythologie nous rappelle que lorsquune cité rejetait le dieu Pan, il semait la panique chez ceux qui refusaient son entrée dans la ville. Amère leçon qui devrait nous inciter à plus de sagesse. Celle de reconnaître avec humilité que lhumain est aussi, pour une part, constitué par lhumus.Cest ainsi que peut se vivre, conflictuellement, un autre équilibre social. Celui de lentièreté de lêtre.
III. LÉTERNITÉ AU PRÉSENT
Cest à partir de telles prémisses que lon peut voir sélaborer un autre rapport au temps. Non plus celui du projet, dont Julien Freund rappelait quil était celui du politique,8 mais bien le temps de «là-présent». Dès lors ce qui est en jeu nest plus la recherche de la «Cité de Dieu» augustinienne, ce nest plus la tension vers la société parfaite marxienne, mais bien une accentuation sur le présent vécu.Présentéisme qui semble être, plus ou moins inconscient, lune des marques essentielles de cette post-modernité naissante: le carpe diem, décliné sous ses diverses modulations, est une sorte «dinstant éternel». Léternité est comme rapatriée dans un moment donné sur cette terre.Tout cela ne peut plus se comprendre au travers de la simple rationalisation généralisée de lexistence.En effet, cela ne peut sexpliquer dans les catégories politiques ou rationalistes héritées du XVIII° ou XIX° siècle. Les rodéos, incendies et autres émeutes ne sont pas des mouvements sociaux revendicatifs. Certains tentent bien de les récupérer en ce sens, mais leur caractéristique est, justement, dêtre instantanéistes: ils sépuisent dans le moment même. Laissant peut-être le goût amer des gueules de bois, mais aussi suscitant tels les cailloux lancés en ricochet, de petites ondes de choc. Peut-être cela va-t-il dessiller les yeux des observateurs sociaux qui, ainsi, découvriront quil sagit non pas de mouvements de désespoirs, mais de lexpression dune intense circulation de la parole. La recherche, maladroite peut-être, mais non moins réelle, de nouvelles formes de solidarité, dun désir de proxémie: le plaisir de lentre-soi. Ce qui révèle ainsi la double face de la violence: destructrice et fondatrice.Ce qui est sûr, cest quil est vain, et de courte vue, denfermer ces manifestations violentes sous la chape de plomb des réencodages politiques. Les tribus urbaines se sont manifestées; puis, à leffervescence a succédé le calme. Cycle rituel quil convient de prendre au sérieux.Lon ne peut plus, en effet, continuer à analyser la société à partir de limpératif catégorique du travail comme réalisation de soi et du monde. Nous vivons une époque charnière, où la valorisation du travail cède la place à la volonté, plus ou moins consciente, de faire de sa vie une oeuvre dart. Désir du qualitatif et du ludique: ne pas perdre sa vie à la gagner. Ce dernier point, en particulier, est tout à la fois essentiel et parfaitement ignoré par les divers observateurs sociaux. Ainsi vibrer autour des feux de joie nest pas négligeable. Il sagit là dune structure archaïque que lon retrouve de diverses manières dans de nombreuses civilisations, et qui sexprime, contemporainement, avec laide du développement technologique. En la matière, la télévision qui, de fait, a établi une forte compétition entre les divers quartiers. Cétait bien à qui brulerait le plus de voitures! Je ne dis pas du tout que les jeunes rebelles ont été manipulés par les médias, ni que celles-ci auraient manqué de sens de la responsabilité. Il est dans la nature de la télévision de montrer des images les plus évocatrices possible. Et il est dans la nature des tribus de communiquer entre elles au travers de ces images. De ce point de vue la postmodernité repose bien sur la synergie de larchaïque et du développement technologique!Ce qui est certain, cest quà lencontre de cette tarte à la crême que serait lindividualisme ambiant, la vie sociale ne repose plus sur lassociation contractuelle dindividus rationnels, mais bien sur le jeu émotionnel de personnes trouvant leurs expression quotidienne dans une tribu. On est toujours en groupe, on pense, parle et agit en groupe. Tout un chacun nexiste que par et dans lesprit de lautre. Ne parle-t-on pas de séclater. Cette perte de soi dans lautre est bien la marque dune société de consumation dont on na pas fini de mesurer les effets. Il est intéressant de voir que dans les affrontements entre les bandes de jeunes et les forces de police, sinstallait en quelque sorte une chorégraphie rituelle, se mettait en place un rythme des attaques et des défenses, des escarmouches et des courses poursuites. Il y avait, on ne peut pas le nier, une esthétique des émeutes: les flammes dans la nuit, les mouvements rapides dattaque et de fuite, les replis, tout cela ressemblait à quelques uns de ces ballets de danse contemporaine. De la même façon que sur ces scènes, le regard ne peut se concentrer sur un danseur étoile ou sur un mouvement de groupe homogène et régulier, mais au contraire est attiré par plusieurs points de vue concomitants, de la même façon, dans le mouvement même des émeutes, aucun des protagonistes ne pouvait être réduit à son identité individuelle. Le débat sur le statut pénal de ces jeunes, primo-délinquants ou multirécidivistes était en quelque sorte stupide, qui de toutes façons méconnaissait lorigine plurielle des actes, lirresponsabilité individuelle en quelque sorte, la responsabilité collective. Il est intéressant de noter dailleurs à cet égard que les bons connaisseurs de ces jeunes que sont certains éducateurs de rue ou de prison utilisent pour déminer les phénomènes de violences en bande, les activités de groupe, telles les arts du cirque, la gymnastique acrobatique, bref des disciplines sportives où la réussite dépend du groupe et de la stricte intégration de chacun dans ce collectif plutôt que de lamélioration de la performance individuelle.Ce que nous rappellent les nuits de novembre, cest quun modèle social est rien moins quéternel. Et que le bel héritage du jacobinisme ayant favorisé lintégration républicaine est, maintenant, dilapidé.Il est donc important de mettre en place une autre manière dêtre-ensemble. Ou plutôt de savoir dire cette autre manière dêtre-ensemble qui, déjà, est là. La désorganisation sociale peut, en effet aller de pair avec une restructuration sociétale.
Autant le pouvoir surplombant (économique, politique, symbolique) est de moins en moins admis par les jeunes générations, autant lautorité est dactualité. Lautorité en son sens strict est ce qui fait croître. Cest donc sur celle-ci quil faut faire fond. Autorité des Grands frères qui peut favoriser une entrée dans la vie. Autorité qui, à la place dune éducation totalement dévalorisée, mettra laccent sur un processus" initiatique" permettant de comprendre les nouvelles formes de solidarité et de générosité qui sont en gestation dans nos sociétés.
On peut dire quà la structure patriarcale, verticale est en train de succéder une structure horizontale, fraternelle. La culture héroïque, propre au modèle moderne reposait sur une conception de lindividu actif, maître de lui, se dominant et dominant la nature. Ladulte étant lexpression achevée dun tel héroïsme. Gilbert Durand a pu y voir le vieil archétype culturel constitutif de lOccident.9 Il faut, là encore, trouver le mot adéquat pour désigner la vitalité non-active des tribus postmodernes. Vitalité de lenfant éternel, un peu ludique, un peu anomique. Mais la loi du père, dans une telle configuration, nest plus pertinente. Le puer aeternus est quelque peu amoral. Il est même, parfois, carrément immoral. Mais cet immoralisme peut être éthique en ce quil soude ensemble et fortement les divers protagonistes de ces effervescences. Plutôt que de le dénier ou de le stigmatiser, il vaut mieux savoir accompagner un tel processus. Et ce au nom dun simple principe de réalité, tant il est vrai que lanomique daujourdhui est toujours le canonique de demain!
Cest cela-même quil faut savoir entendre dans les émeutes de banlieues. Mais il est vrai quau delà des cris et des tremblements, au delà de la bourrasque événementielle, écouter lherbe pousser nécessite davoir louie développée!.
Las relaciones de Raya Dunayevskaya con América Latina, mantenidas por un periodo de medio siglo, tuvieron sus inicios en 1937, cuando con 27 años de edad vino a la cuidad de México a encontrarse con León Trotsky y trabajar como su secretaria de idioma ruso Dunayevskaya fue integrante de aquel pequeño grupo de camaradas que vivió y trabajo con León y Natalia de Trotsky, asistiendo a este último en su lucha por representar y llevar adelante la herencia de la Revolución rusa, al mismo tiempo que intentaba protegerlo de los secuaces e Stalin, empeñados en asesinarle
Aquí queremos separar tres derivaciones del marxismo de Dunayevskaya, las cuales tienen importancia para el humanismo latinoamericano y su dimensión revolucionaria: 1) su crítica y actividad contra la intrusión del imperialismo norteamericano en América Latina y el Caribe; 2) su creación de la categoría Un movimiento desde la praxis que es, en sí mismo, una forma de la teoría en relación con América Latina; 3) su análisis y su crítica de la naturaleza inacabada de las revoluciones latinoamericanas.
Los escritos de Raya Dunayevskaya sobre América Latina y el Caribe constituyeron una crítica feroz al imperialismo económico, político y militar de Estados Unidos. Desde el golpe de estado patrocinado por la CIA en Guatemala durante la presidencia de Eisenhower (1954), hasta la invasión de Bahía de Cochinos en Cuba durante el mandato de Kennedy (1961), seguida de la Crisis de los Misiles o Crisis de octubre (1962) cuando la misma supervivencia de la humanidad estuvo en juego y las superpotencias nucleares maniobraban a su designio, hasta la ocupación de República Dominicana por el gobierno de Johnson (1965), la participación de Nixon y Kissinger en el derrocamiento de Allende en Chile y la instalación de la dictadura de Pinochet (1973), las actividades contrarrevolucionarias iniciadas por Carter contra los revolucionarios nicaragüenses a finales de los setenta e intensificada por Reagan con su sangriento patrocinio a los Contra, el apoyo en la guerra de El salvador a los militares derechistas, la invasión a Panamá y la ocupación de Granada en los ochenta. A todos estos actos provocativos y sangrientos en los que estaba involucrado Estados Unidos, Dunayevskaya respondió con numerosos ensayos y conferencias.
Habiendo tomado conciencia de las relaciones de Dunayevskaya con la dimensión revolucionaria de América Latina, yo quisiera añadir que el poder de sus ideas descansa, tanto en la visión marxista-humanista y dialéctica del mundo que ella misma creó y desarrolló en la ultima mitad del siglo XX, como en la especificidad de su análisis de los sucesos de América Latina durante varias décadas. Éste es el tema de mi libro: lo que este cuerpo de ideas dice para América Latina y que debe ser desarrollado `por los pensadores y activistas latinoamericanos
REFERENCIAS
1. Taubes J (2003). En divergent accord. Paris, Rivage, 55.
2. Schmitt C (2002). Le Nomos de la terre. Paris, PUF, 46.
3. Weber m (1959). Le savant et le politique. Paris, Plon. 93.
4. Jung CG & Kerényi C (1958). Le fripon Divin. Géneve, Ed. Georg.
5. Freud S (1985), LInquiétante étrangeté. Paris, Gallimard, 252.
6. Meffesoli m (1988). Le temps des tribus. Réed La table Ronde.
7.Fredu S (1965). L´Essence du politiqur. Paris, Sirey.
8. Durand G & Chaoying S (2000). Du côté de la montagne de l´est. En: Montagnes imaginaires. Siganos A & Vierne E (Direc). Grenoble, 69. [ Links ]